Médias
Critique de l’album sur NOS ENCHANTEURS
Arthur Jamin, ni brouillon ni bidon
Rien que le titre des chansons nous renvoie à celles de Souchon, comme le S’asseoir par terre : chez Jamin, c’est Poser ses fesses par terre. Jamin envoie des ballons, Souchon lance des balles… D’autres exemples ? Y’a pas copie, non, mais les deux ont une proximité, un univers presque pareil : ils vivent dans le même monde, partagent les mêmes préoccupations, ont les mêmes codes, les mêmes mots. Même position dans la chanson, dans une presqu’île de variété. Dois-je dire d’excellente variété ?
Voici, voilà Arthur Jamin, natif de Toulouse : le brouillon du titre de l’album correspond à une chanson à l’intérieur, pas forcément à ce jeune chanteur, ni à cet opus. C’est propre, direct sans l’être trop, net et sans bavure. La chanson dit « Je suis un garçon brouillon /A peine esquissé au crayon / Je ne suis qu’une illusion / En basse définition » : n’en croyez rien, vous avez là un des disques les plus sympas de ces derniers mois. L’un des plus lucide aussi. Lui chante le monde d’aujourd’hui où « Les plus forts sont toujours les mêmes » c’est joute de cowboys et d’indiens, Western moderne : « Personne n’en sortira indemne / On cache nos bleus sous l’anti-cerne. » Désabusé. Qui entre dans la vie déjà résigné, « envoie des ballons dans l’air pour mettre les dieux en transe », « fais des bulles de savon pour repousser les évidences. » La pop charmante de Jamin, qui parfois se donne des airs de grand orchestre, charrie des blessures et des regrets, des rêves déjà oubliés, suintant de ces temps effarants, effrayants. Même son amour prend l’eau…
Ça Souchonne ? Oui, pas d’autres mots. Est-ce un tort ? Nullement, bien au contraire. On aimera ce disque qui, parlant de notre époque, parle de nous, qui avons déjà tout dit, qui avons déjà tout fait. Précoces désillusions, réalisme mélancolique… Et précision du mot, habile, profond et léger, qui pense et panse les maux. Très bel album.